Le blog

Bridge the gap : réduire l'écart numérique entre générations

Education aux médiasC'est le 11 juin dernier que 12 opérateurs de formations issus de 12 pays européens se sont réunis à Bruxelles dans le cadre du programme Léonardo Da Vinci autour d'un atelier « Bridge The Gap ». Porté en Belgique par le Réseau Européen de Formation, ce projet vise à réduire l'écart numérique existant entre les générations en tirant profit des apports professionnels que les ainés peuvent apporter aux jeunes générations en matière de tutorat et d'assistance aux métiers. Et vice versa en ce qui concerne l'apport de culture numérique que la génération « Y » peut induire. La thématique de la fracture numérique intergénérationnelle est abordée transversalement par des recherches et ateliers relatifs à la culture, la créativité, la communication et les médias, l'environnement et l'éducation ou encore le tourisme.

EPN et ateliers numériques intergénérationnels
Après une présentation du dispositif wallon des Espaces Publics Numériques qui constitue un espace privilégié pour des ateliers numériques d'expérimentation intergénérationnels, Jérôme Poloczek, Responsable communication chez Atoutage, a dressé une feuille de route quant à la bonne gestion d'un projet intergénérationnel, sur base du livre méthodologique « Comment développer une action intergénérationnelle » publié aux éditions De Boek par son association et au prisme des expériences de quelques projets numériques intégrant une dimension intergénérationnelle. La matinée fut également l'occasion pour Marine Bugnot, chargée de mission, de présenter le portail de l'intergénération et les services mis en place par le réseau intergénérationnel Courant d'âges.

Dessins animés et vidéos
Côté expérimentations, l'association Slovaque Centre for Intercultural Dialogue a opéré un arrêt sur image sur Sheeplive, un portail multilingue de dessins animés. Ces films d'animation s'adressent avant tout aux enfants et aux jeunes. Ils abordent différentes thématiques afin de les sensibiliser aux risques liés à l'utilisation d'Internet et des téléphones mobiles : gestes obscènes, hameçonnage, anorexie, respect vie privée, amitiés virtuelles, cyberharcèlement vidéolynchage, addictions, jeux avec facebook. Le programme d'alphabétisation médiatique et numérique Territoriomovil présenté par l'association espagnole Innovación, Transferencia y Desarrollo s'adresse lui aussi aux adolescents. Il met à leur disposition une boîte à outils pour la production « do it your self » de vidéos et contenus multimédias. Dans la bibliothèque (disponible également en français) de ce « décalogue » pour vidéo amateur, on trouve des sujets basiques et didactiques pour des prises de vue à partir d'un mobile ou une mini caméra. On y découvre aussi, toujours sous la forme de petites vidéos, des trucs et astuces pour fabriquer une dolly (avec un manche à balai et un vélo) et filmer en travelling. Ou encore pour construire une grue (avec deux manches à balai) et filmer en hauteur ou une snorricam (deux plaques, une planche en bois) pour se filmer.

Tags : Atoutage - éducation aux médias - Courant d'âges - fracture-numérique - Intergénértionnel - réseau européen de formation - vidéos

Connaissez-vous Ars Industrialis ? (2)

Ars Industrialis, rappelons-le, est une association créée notamment par Bernard Stiegler qui propose rien moins que de « former une écologie industrielle de l'esprit ». Christian Fauré, philosophe et ingénieur informaticien qui est membre du conseil d'administration, travaille notamment sur les technologies relationnelles. Ce qui suit synthétise ses interventions à deux colloques, l'un à Noirlac le 20 octobre (déjà évoqué ici), l'autre à Aix-en-Provence le 29 novembre dernier.
Christian Fauré.

Christian Fauré invite à comprendre ce qui se joue dans l'évolution récente des TIC.  Pour commencer il faut, dit-il, sortir de « la fable de l'immatériel » : c'est bel et bien une nouvelle industrie qui s'est mise en place. Cette industrie ne vend plus des machines (étape du hardware, représenté par IBM), des logiciels (étape du software, avec Microsoft) ou des systèmes d'exploitation de réseau (étape du netware, avec Sun Microsystems), mais des accès aux données. Nous en sommes donc à la quatrième étape : celle du dataware, l'échange de métadonnées, dont l'entreprise emblématique est Google. C'est essentiellement une industrie de transfert. Le transfert est depuis le départ une notion juridique, une question de propriété qui se règle par des protocoles :  d'où les  http, ftp et smtp où « tp » signifie chaque fois « protocole de transfert ».

Les industries de transfert pistent nos traces numériques. Lorsque l'on clique sur une « acceptation des données utilisateurs », on ne fait en somme que transférer nos droits d'usage. Autrement dit, on valide juridiquement un modèle présent et à venir, ce qui revient à accepter d'être dépossédés de nos données personnelles, qui sont ensuite réutilisées après diverses transactions par le marketing. Bernard Stiegler parle à ce sujet de « servitude volontaire organisée ». Ce qu'on appelle les services du Web2.0 sont en fait des formulaires que nous remplissons en ligne sans jamais choisir les métadonnées. Facebook est bien mieux renseigné que Loppsi...

Le réseau est « fallacieux », dit encore Fauré. Il est dans une logique d' «offuscation », c'est-à-dire qu'il tait son véritable fonctionnement. Que se passe-t-il lorsqu'on effectue une recherche Google ? En fait, Google ne recherche jamais rien : il ne fait que copier les réponses pré-calculées à nos requêtes. Les opérateurs sont dans une position de contrôle panoptique des données. Amazon ne s'intéresse pas aux livres, mais à nos traces de lecture. Nos lectures en ligne sont décortiquées par les readers analytics, et la surveillance est désormais très affinée. Les décideurs prétendant savoir ce que le public préfère lire, en déduit comment il faut écrire, et c'est ainsi que s'instaure de nouvelles normes qui touchent tous les maillons de la chaîne éditoriale. Que peuvent les libraires face aux recommandations algorithmiques ?

Raison de plus pour s'investir dans ces questions, lutter contre la perte des savoirs et occuper le terrain culturel des Digital Studies. Refonder une « politique industrielle des technologies de l'esprit » est au coeur du projet d'Ars Industrialis.

Le blog de Christian Fauré : http://www.christian-faure.net

Le site d'Ars Industrialis : http://arsindustrialis.org 

Connaissez-vous Ars Industralis ? (1)

Dans un cadre propice à la circulation des idées (l'abbaye cistercienne de Noirlac en France) se tenait les 20 et 21 octobre un colloque sur l'écriture au XXIe siècle dirigé par Bernard Stiegler. Belle occasion pour découvrir et faire découvrir la pensée séduisante de Stiegler et de son association Ars Industrialis.

[caption id="attachment_7493" align="alignnone" width="300" caption="Bernard Stiegler, fondateur d'Ars Industrialis"][/caption]

Sans prétendre résumer tout ce qui s'est dit pendant ces deux jours  passionnants, on s'intéressera aux réflexions liées aux TIC.

Pour Stiegler, la technologie est ce que les Grecs appelaient un pharmakon : à la fois un poison et un remède.  Il faut donc utiliser le Web « pharmacologiquement », c'est-à-dire s'efforcer de limiter ses effets néfastes et susciter ses aspects positifs : profiter de ses formidables ressources d'échange et de participation, et lutter contre la puissance nuisible du marketing qui veut nous déposséder de nos propres données. Cela implique une réflexion en amont sur les mécanismes de la propagande, telle que l'a développée Edward Bernays. Selon Stiegler, après le "devenir-immonde", voire "devenir-immondice" du monde, il faut en quelque sorte changer d'ère : passer à la post-immondialisation.

Lucide sur les dangers et les catastrophes à venir, Stiegler trouve cependant quelques signes d'espérer : logiciels libres qui fournissent un modèle économique efficace (revanche de l'économie de  contribution), essor de nouvelles pratiques qui s'écartent de la passivité consumériste (ainsi, les playlists qui forment une réappropriation personnelle de la musique), inventivité dynamique (exemple des Fablabs qui se développent notamment en Afrique de l'Ouest, ou comment concevoir des objets industriels designés sans recourir à une lourde infrastructure)

A mi-chemin entre une pensée critique (issue notamment de Foucault et des situationnistes) et des préoccupations plus actuelles (TIC, écologie...), Stiegler plaide pour une  convergence des modes de vie urbain et rural : une « urbanité rurale » loin de la « métropolisation » accompagnée d'un usage raisonnable de la technologie, et une culture numérique collective faite d'échanges réciproques, citant cette belle formule de François Bon : « Nous nous mêlons perpétuellement à la forêt des autres, greffant à nos arbres des boutures en partage. »

Filant la métaphore de l'horizon, qui, comme le futur, s'éloigne toujours à mesure qu'on s'en approche, Stiegler a conclu sa première intervention :

« Il faut viser le lointain, le désirer et se faire désirer par lui. »

Pour aller plus loin : le site d'Ars Industrialis.

 

 

2011, année de la médiation culturelle et numérique dans les EPN

Lors des Rewics, nous nous demandions déjà qui étaient les médiateurs culturels : de nouveaux passeurs de culture ?  Les rencontres numériques organisées par Jean-Christophe Théobalt avaient pour thème « Médiation & numérique dans les équipements culturels », et en ce moment même, la Corse organise les premières Assises de la Médiation Numérique. La médiation numérique sous toutes ses formes est donc à l'honneur.

Les actions de médiation ne sont plus à justifier, elles sont devenues nécessaires dans le contexte des politiques culturelles d'aujourd'hui. Pourtant, elles soulèvent de nombreuses questions quand on sait que les pratiques numériques des jeunes sont massives, mais que ces mêmes jeunes manquent d'esprit critique face à ces médias. D'autre part, il y a deux éléments complexes qui sont à dépasser par le grand public : l'art contemporain et le numérique. La médiation culturelle doit être ici encore plus forte, plus rapprochée des usagers.



Hier, l'atelier « Culture, patrimoine et identités numériques » a porté sur le processus de mise en relation entre les différents univers de l'art, de la société et du numérique. Gérald Elbaze et Marianne Massaloux de Médias-Cité (Aquitaine) ont été les invités d'honneur. Ensemble, nous nous sommes interrogés sur la manière dont les technologies peuvent changer l'expérience et créer des nouvelles relations avec les usagers. Comment définir la culture numérique ? Quelle place donner à la médiation numérique ? Quelles sont ces nouvelles formes de médiation culturelle ? Comment anticiper pour inventer les valeurs et usages du futur ?

Pour favoriser nos échanges, mutualiser nos actions et expérimentations, un audacieux processus de partage et de contribution a été imaginé :

EPN, lieux culturels, ASBL, institutions doivent plus que jamais partager leurs bonnes pratiques pour mieux relever ces nouveaux défis. La médiation numérique construit le patrimoine, la culture, bref la mémoire digitale de demain.

Pour alimenter votre réflexion, retrouvez les ressources sur la thématique :

http://www.scoop.it/t/assmednum1

Les initiatives géolocalisées :  http://www.mapchannels.com/teamMaps/DB16052D5C2F4D98BA1FDFB7AA90E64C/map.htm

Et n'hésitez pas à participer et contribuer : http://assmednum.corse.fr/Participez-et-contribuez-aux-assises-de-la-mediation-numerique-_a33.html

C'est dans cet esprit que se sont annoncées les Assises, placées sous le signe de l'innovation et de l'échange co-créatif.

Participez aux Assises de Corse



L'événement à ne pas manquer de cette rentrée ? Il s'agit bien sûr des Assises de la Médiation numérique au service des Territoires et de leurs habitants. Du 19 au 21 septembre, le palais des Congrès d'Ajaccio sera the place to be pour tous les acteurs de l'accès public à internet et de la médiation.
Objectifs affirmés de ces Assises : permettre une rencontre entre acteurs de l'éducation, du social, de la culture, pour échanger autour du numérique, réfléchir sur les pratiques actuelles et à venir, creuser la notion de médiation numérique et peut-être la redéfinir, chercher et créer enfin de nouvelles pistes d'intervention.

Ce chantier ambitieux donne l'exemple d'une organisation audacieuse adaptée aux outils d'aujourd'hui. En effet, non seulement le déroulement des Assises pourra être suivi en direct sur le site , mais il sera également possible d'y participer à distance. Un tableau de bord de suivi est déjà en place.
Lors des séances plénières du matin, vous pourrez donc intervenir via un module de chat, ou via twitter en envoyant des messages (textes, images, liens, vidéos, etc.) envoyés avec le tag #assmednum. Vous pourrez aussi participer à la rédaction collective du compte-rendu.
Lundi 19 à partir de 14h15, deux ateliers seront retransmis en direct : «Innovation sociale» et «Éducation / formation». Une interaction entre participants présents et intervenants à distance sera possible via un mur de post-it virtuels 

Mardi matin verra la restitution des travaux des ateliers. L'après-midi, des « chantiers prospectifs » pourront être commentés à distance, mais cette fois en différé.
Enfin, plus informels, des barcamps d'environ 15 minutes seront diffusés en direct sur le site, consultables ensuite en archives.
Les Assises devraient se clore par la rédaction collective d'un Livre blanc de la médiation numérique . Gageons que l'événement fera date.

Le programme précis des journées : http://assmednum.corse.fr/Organisation-des-journees_a22.html

Rewics : la critique 2.0

La critique (de livres, de films, de musique...) a naturellement trouvé sa place sur le Web 2.0. Fait nouveau : les consommateurs, disons les citoyens, participent au discours de réception des oeuvres. Est-ce le signe d'une démocratisation ? A l'occasion des Rewics, lors d'une table ronde animée par Nathalie Caclard, quelques représentants de ces nouveaux réseaux sociaux et culturels ont fait le point, afin de comparer les pratiques.

Joachim Lepastier, blogueur cinéphile sur 365 jours ouvrables et critique aux Cahiers du Cinéma :

- Un blog en définitive est toujours un portrait en creux du blogueur... Pour moi, l'intérêt pratique du blog, ce n'était pas seulement d'écrire sur les films, mais aussi de profiter de des possibilités d'Internet : faire du collage en confrontant des extraits de différents films, établir des passerelles avec l'architecture, la musique, l'actualité... Parallèlement, Internet est devenu un enjeu stratégique : le buzz autour des films est devenu un outil marketing orchestré avant la sortie...

Olivier Walbecq, fondateur du réseau Libfly :

- Libfly au départ était juste un moyen de faire savoir la disponibilité de tel ou tel livre (à emprunter, à acheter...), et puis c'est devenu vraiment un lieu d'échange entre lecteurs, bibliothécaires et libraires... A quoi sert un réseau social  ? C'est très simple : il a à la fois une fonction de réseau (créer une communauté, agir comme un porte-voix pour le lecteur...) et une fonction sociale (faire le lien entre le réel et le virtuel). Mais les critiques, les amis, les commentateurs, n'ont pas le même impact, il ne faut pas les confondre...

Alexandre Lemaire, responsable TIC au ministère de la communauté française :

- Quand j'étais bibliothécaire, la question qu'on m'a le plus souvent posée, c'est : «Est-ce que vous pouvez me conseiller un bon livre ?» Naturellement, je répondais invariablement par une autre question : «Qu'est-ce que vous aimez comme livres ?» et à partir de ce qu'on me disait, je pouvais orienter le lecteur... Ce type de demande se retrouve sur Internet. Les commentaires, les mots-clés, l'attribution de notes, mais aussi la possibilité de mettre en valeur les commentaires les plus pertinents et les plus «utiles», tout cela engendre une véritable masse critique, un filtrage collaboratif qui affine les recommandations de lecture. Et il faut le reconnaître : bien souvent, les algorithmes sont plus pertinents que les bibliothécaires eux-mêmes.

Bernard Strainchamp, libraire en ligne, co-fondateur de Bibliosurf :

- Ce n'est pas tout de construire une base de données, il faut lui donner du sens. Croire qu'on peut fournir une demande toute faite, clés en main, est une illusion. Les «solutions» de recommandations automatiques ne fonctionnent pas si bien. C'est toujours de un à un que ça fonctionne... Le problème aussi, c'est qu'on a beaucoup de tentatives de contrôler les données (comme Hadopi, etc.). Il faut toujours se demander à quoi servent les données ? Où vont-elles ? Qui les réutilise ? Sur Bibliosurf, on a fait en sorte qu'il n'y ait pas de compte, ni d'identification du lecteur... Par contre, les chroniques sont modérées.

Guillaume Boutin, co-fondateur de Sens critique (cinéma, BD, livres, jeux vidéo) :

- Le meilleur vecteur reste le bouche-à-oreille. Mais la vraie question c'est : est-ce que chacun a un avis légitime ? Par exemple, est-ce qu'un critique qui a vu 14 films dans la semaine est le plus qualifié pour recommander un film aux spectateurs «normaux» ?

Lorent Corbeel, rédacteur en chef de la revue Indications dont le but avoué est d'«éveiller l'esprit critique des jeunes» :

- En offrant un cadre (en l'occurrence une revue) où les jeunes peuvent s'exprimer, on travaille à l'élaboration d'une forme d'intelligence collective. Mais il ne faut pas publier de toujours préciser d'où l'on parle, d'où l'on écrit... Mais en fait, le présupposé démocratique pose problème. Pour moi, la démocratie est un chantier, et non pas une situation donnée une fois pour toutes. Le débat est une chose, la démocratie en est une autre.

Illustration :

Arrêt sur image d'un match de foot sur une télé approximativement mal réglée, et tableau de Nicolas de Staël (de la série Les footballeurs, 1952) : un collage visuel sur le blog 365 jours ouvrables.

L'Orme 2011 (fin) : de l'identité numérique

Comme les Rewics qui arrivent, les Rencontres de l'Orme ont l'avantage de permettre la juxtaposition entre personnalités de divers secteurs : gérants et commerciaux, acteurs sociaux et militants, élus politiques et représentants institutionnels, chacun peut participer à cette «longue conversation».

L'un des temps forts des Rencontres 2011 restera le colloque intitulé « Gérer son identité dans les réseaux, une responsabilité à partager ? » animé par J.-L. Mure. Trois intervenants de grande qualité se sont succédés : Renaud Francou (de la FING),  Paul  Mathias (Inspecteur général de l'Éducation nationale) et Antoinette Rouvroy (de l'Université de Namur).

Renaud Francou a commencé par poser quelques grandes questions. Qu'est-ce que l'identité numérique ? Que disent de nous les données en ligne ? Si l'identité se résume aux traces qu'on laisse, ne sommes-nous pas atteints de schizophrénie numérique ? L'identité numérique ne peut être que plurielle, fragmentée. L'intime «extimé» est dans l'air du temps... Ce qu'un Mark Zuckerberg (entre autres) a bien compris, c'est que la norme sociale a changé : on veut bien s'exposer, mais on veut rester maîtres de ses données. Désormais, il faut «se projeter tout en se protégeant... Soyons stratégiques plutôt que défensifs», conclut-il.

Paul Mathias ensuite est revenu sur une question philosophique fondamentale : «Qui suis-je ?» L'identité autrefois était donnée par un récit, elle l'est désormais par un calcul. L'identité numérique s'écrit en octets : elle est indéfiniment recalculable. Internet permet de perpétuellement se relire, se remémorer qui l'on est. On se reconfigure sans cesse au contact des autres. Nous ne sommes pas seulement des usagers, mais des produits qui générons des contenus. Jamais on ne s'est autant raconté, jamais nous n'avons divulgué autant d'informations personnelles, mais ce n'est pas nous qui calculons notre identité, et nous ne savons pas ce que deviennent nos discours. En ce sens, nous savons de moins en moins ce que nous disons.

Antoinette Rouvroy enfin est revenue sur la notion de sujet. Nous sommes des «dividus», propose-t-elle, c'est-à-dire des individus dispersés. Tout est enregistré automatiquement, même ce qui n'a pas de sens, ce qui fait de nous des êtres fragmentés. La perte de contrôle de nos traces et de nos trajectoires nous éloigne de nous-mêmes. On assiste à l'essor d'une nouvelle gouvernementalité toujours plus normative qui évite la confrontation avec les sujets. Il faut pourtant relativiser l'idée qu'on perd de l'autonomie : en fait,«nous n'avons jamais été sujets». Ce qu'il faut sauvegarder, c'est la possibilité de donner du sens à nos actes, quitte à faire ressurgir l'incertitude.

Illustration : "La Rêveuse, photo d'Antoinette Rouvroy prise à Marseille.

Pour aller plus loin :

Vous retrouverez le résumé de chaque contribution ici : http://www.orme-multimedia.org/r2011/images/stories/orme2.11/pdf/intervenants/orme2.11_contributions.pdf

Renaud Francou : Site de la Fing http://fing.org/?-Presentation-

Paul Mathias : http://diktyologie.homo-numericus.net/

Antoinette Rouvroy : http://works.bepress.com/antoinette_rouvroy/ (articles) et http://knownbylight.wordpress.com (photos)

Prochain rendez-vous des Rencontres de l'Orme : 21-22 mars 2012


L'Orme 2011 (2) : Charlie et le logiciel libre

Aux Rencontres de l'Orme de Marseille, un espace était dédié aux logiciels libres. J'y ai d'abord rencontré Yves Specht, fondateur de l'association Mandr'Aix (antenne aixoise de Mandriva), qui me présenta son GULL (Groupe d'Utilisateurs de Logiciels Libres) et sa carte du réseau libre.

Il y a eu ensuite un intéressant débat sur le logiciel libre entre Jean-Claude Guédon (professeur à l'université de Montréal) et Bernard Lang (cofondateur de l'AFUL).

Selon Bernard Lang, le droit existant est mal adapté à Internet : les juristes devraient être les ingénieurs de la nouvelle société qui émerge, au lieu de vouloir à tout prix transposer des lois inadéquates (lois économiques en particulier). «C'est comme l'eau devenue de la glace, explique-t-il : c'est toujours de l'eau, mais ce ne sont plus les même les lois physiques qui s'appliquent. Il faut donc modifier les outils, sinon ça revient à tenter de pomper des glaçons avec une pompe à bras : ça ne fonctionne pas !  La plupart des juristes ne comprennent pas que leur modèle est obsolète...»



C'est alors qu'intervient Philippe-Charles Nestel, professeur de collège à Aix-en-Provence et membre de l'APRIL. «Le problème, dit-il sur un ton vindicatif, c'est qu'on raisonne toujours par analogie. Or, la révolution numérique est entravée par les règles du droit multilatéral. En fait, la fracture numérique accroît la fracture sociale !» Cette intervention quelque peu elliptique méritait d'être approfondie.  Après la fin du débat, ce brillant orateur - que tout le monde ici appelle Charlie - se prête de bonne grâce à une plus ample explication.

«Il faut revenir aux sources du droit pour comprendre les enjeux. Il y avait d'abord eu les accords du GATT (Accord sur les tarifs douaniers et le commerce) signés en 1947 par 23 pays, qui ont finalement abouti à la création de l'OMC en 1994. C'est là qu'a été signé l'AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services), un accord multilatéral de libéralisation des échanges qui remplace le GATT. A partir de là, les accords diplomatiques et internationaux priment sur les droits nationaux des états, notamment les droits sociaux et les services publics. Par exemple, tout ce qui concerne la propriété intellectuelle dépend maintenant de l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle), une institution intégrée à l'ONU.

Il y a aussi eu l'ACTA, un accord secret entre les «Grands» pays (USA, Japon, UE, Emirats Arabes Unis, Australie, etc. à l'exception de la Chine et de l'Inde). Le but de l'ACTA était d'aboutir à un traité multilatéral sur la contrefaçon, mais ça signifiait le droit de fouiller n'importe quel matériel numérique, et pour tous les fournisseurs d'accès l'obligation de coopérer, autrement dit une restriction terrible de la protection de la vie privée... L'ACTA a été révélé par Wikileaks, mais il ne faut pas se leurrer : autre chose le remplacera.

Enfin, il y a la DRM (Digital Right Management), «Gestion des Droits Numériques» en français. La DRM a été instaurée par Bill Clinton en contrepartie de l'aide que lui avait fournie l'industrie de l'entertainment qui avait massivement soutenu son élection. L'objectif de la DRM, c'est de contrôler l'usage des oeuvres numériques par des «mesures techniques de protection», qu'on appelle, nous, des menottes numériques.

Environ 200 juristes américains se sont élevés contre la DRM, qui instaure des situations de monopole et fausse la concurrence : c'est l'OMPI qui l'a fait passer, via le DMCA (Digital Millenium Copyright Act), une loi américaine étendant la propriété intellectuelle au champ numérique. En Europe, c'est devenu la directive EUCD, en France la loi DADVSI, dont HADOPI n'est qu'une version adoucie.

- D'accord... Mais alors, en résumé, quelles sont les priorités de votre combat ?

- Nous militons pour un logiciel libre livré avec son code-source. Nous sommes contre la brevetabilité des logiciels. Ensuite, pour l'interopérabilité des systèmes, c'est-à-dire contre les menottes numériques : il faut absolument pouvoir contourner les mesures techniques de protection. Et enfin, nous luttons pour trouver un équilibre entre les droits d'auteur et les droits du public. N'oublions pas le sens originel de copyright : «copy is right», c'est-à-dire dans quelle mesure on a le droit de copier. On parle toujours de droits d'auteur, et on oublie les droits du public ! Les multinationales font pression sur les systèmes éducatifs  pour former les gens à n'être que de simples utilisateurs. Ce que nous voulons, c'est que  le plus grand nombre accède à une véritable culture numérique.»

Voir aussi : http://www.ffii.fr/ Association pour une infrastructure informationnelle libre.

Illustration : un pingouin sur un calisson, Linux + Aix = AXUL.

Tags : logiciel-libre

L'Orme 2011 (1) : la voie de l'e-collaboration

Mieux vaut tard que jamais, un premier retour sur les Rencontres de l'Orme qui se sont tenues à Marseille les 23 et 24 mars.
http://www.orme-multimedia.org/r2011/

Tous les ans à Marseille se tiennent les Rencontres de l'Orme. L'Orme (Observatoire des Ressources Multimédias en Education) est une plateforme au sein du Centre Régional de Documentation Pédagogique de l'académie d'Aix-Marseille.
Ces rencontres sont avant tout un carrefour entre acteurs des TIC et milieu enseignant. L'ensemble a un petit côté «Salon des Technologies numériques», avec ses stands où d'aimables représentants vous vanteront une «mallette pédagogique», un «kit de cours multimédia» ou une «tablette nouvelle génération». Mais on y croise aussi responsables politiques, militants associatifs (pour le Logiciel Libre notamment, nous y reviendrons...), artistes multimédia, enfin acteurs du milieu éducatif : inspecteurs d'académies, profs de divers niveaux, et même quelques élèves.

Parmi les interventions les plus marquantes, on retient celle de Thérèse Laferrière, professeur à l'Université de Laval (Québec) et directrice d'un centre multi-universitaire, le CRIRES (Centre de Recherche et d'Intervention sur la Réussite Scolaire). Elle est aussi membre fondateur de TACT (TéléApprentissage Communautaire et Transformatif).



«Collaborer pour apprendre, c'est emprunter la troisième voie sur l'autoroute de      l'information».

Pour Thérèse Laferrière, la première voie est celle de l'enseignement traditionnel, où l'enseignant est  seul décisionnaire. Autrement dit, la salle de classe (ou l'amphithéâtre universitaire) avec ses bancs,  ses tables et le maître au centre du dispositif : un cadre collectif qui a fait son temps, et où les  nouvelles générations souvent ne se reconnaissent plus.
La deuxième voie, actuellement en plein essor, c'est la classe hybride : une partie de l'enseignement  est encore dispensée de façon traditionnelle, l'autre étant un enseignement personnalisé et interactif  en ligne.
La troisième voie est partie de la recherche d'un modèle véritablement collaboratif et interactif.

Après une première expérimentation sur Netscape, l'idée fut développée d'un «pont électronique» sur  iVisit : on multiplie les salles virtuelles regroupées par commissions scolaires. Les étudiants se  relaient pour que ce lieu virtuel soit toujours ouvert : à tout moment, quelqu'un est présent pour    répondre aux demandes et gérer les flux.
Deuxième étape : on utilise un KF (Knowledge Forum), forum interactif qui sert de support pour le discours écrit, avec l'outil Via.
On en vient à la création d'une véritable communauté d'apprentissage, où élèves et professeurs élaborent ensemble leur domaine de connaissance, d' où le joli terme de «collaboratoire»...

Le forum devient un lieu d'appropriation commune du savoir, et donc de démocratisation de l'apprentissage, où le sens peut être négocié collectivement pour arriver à la création d'une véritable «masse critique». Thérèse Laferrière récuse d'ailleurs le qualificatif de «virtuel» : «on est bien dans le réel, dans une relation entre de vraies personnes... C'est toujours le discours de terrain qui gagne, toujours la pratique et non la théorie.»
Une perspective qui ne peut qu'intéresser tous les acteurs de l'accès public aux TIC.

Pour aller plus loin :
Notice biographique de Thérèse Laferrière : http://www.tact.fse.ulaval.ca/fr/html/tlaf.html

Les ressources de TACT (technologiques, pédagogiques, théoriques...) :
http://www.tact.fse.ulaval.ca/tact3/ress3.html

Support francophone de iVisit : http://www.ivisitfr.com/agora/index.php

Une initiation au Knowledge Forum :
http://www.telelearning-pds.org/u/mbela/kf/index.htm

Résumé officiel de l'intervention de Thérèse Laferrière sur le site de l'Orme : http://www.orme-multimedia.org/r2011/images/stories/orme2.11/pdf/intervenants/orme2.11_contributions.pdf

One Laptop per Child: livrer un ordinateur portable à tous les enfants des pays en voie de développement

Lancée en 2005 par Nicholas Negroponte, célèbre professeur du Massachusetts Institute of Technology (MIT), la fondation One Laptop per Child (OLPC) a pour but de procurer un ordinateur portable, connectable à internet, aux enfants les plus pauvres de la planète. Ce pari est d'abord éducatif: connectés à l'information du monde, ces enfants disposeront des nouvelles opportunités d'apprendre, d'expérimenter et d'échanger. Avec un bagage plus grand, ils augmenteront leurs chances de sortir de la pauvreté, estime la fondation.


One Laptop per Child: livrer un ordinateur portable à tous les écoliers du Sud

La tâche des promoteurs de OLPC a été particulièrement ardue : mettre au point un ordinateur à 100 $, robuste, auto-rechargeable, avec un écran permettant une lecture au soleil et susceptible de se connecter à un réseau sans fil (WiFi ou mobile). De plus, l'appareil doit pouvoir résister aux conditions locales (poussière, chaleur, etc.).

Une fois l'ordinateur conçu, il a fallu convaincre les ministères de l'éducation des différents pays en développement d'acquérir et de distribuer ces ordinateurs dans les écoles. Les gouvernements uruguayen et péruvien ont été les premiers à passer commande. En Afrique, le Ghana, le Sierra Leone et le Rwanda sont également devenus des partenaires de OLPC. Au total, près de 2 millions de XO auraient été distribués. Dans le monde, environ 1 milliard d'enfants fréquentent une école. OLPC estime à 100 millions le nombre total d'écoliers auxquels s'adresse son programme. Un long chemin reste donc encore à parcourir pour équiper cette vaste population...

Lien vers One Laptop per Child (OLPC)

Lien vers la galerie de photos de OLPC

Le Wiki officiel de l'OLPC

(Via l'article de l'AWT : "OLPC: livrer un ordinateur portable à tous les écoliers du Sud")


Tags : Afrique - AWT - enfant - International - Internet

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