On m'a dit :
"Momignies, tu sais, c'est au bout du monde" non sans ajouter avec un discret sourire, les yeux ronds :
"Tu sais, cela se trouve juste à côté de Chimay". C'est comme cela, la Wallonie. On peut être parfois désenchanté par les distances à parcourir mais il y a cette petite pincée de magie sur ce puzzle géant du territoire Belge, des moments à vivre, des lieux à découvrir.
Ainsi, de bon matin, vendredi, si ça
"drachait fort" ; la pluie, il est vrai, se faisait plutôt discrète de Charleroi à Macon.
"Quoi, dit ?" Et l'invariable défilé des paysages, de Charleroi l'urbaine enfichée de pierres rougeoyantes à Macon-Momignies, la rurale au milieu des champs d'un vert vivifiant, il y eut la vision imposante de l'espace protégé des Lacs de l'Eau d'Heure s'invitant comme majestueux par une vision quasi-plongeante au-delà du capot avant de la voiture, la surprise d'un lieu dit dont le nom se rapproche de "Silencieux" (oui, la Wallonie semble jouer avec les mots du français pour le nom des communes... Un humour détonant!). Et puis, au gré d'avaler du bitume, les baraques à frites ou friteries au nom qui signifient l'attache culturelle essentielle comme ce nom signifiant à lui tout seul : "Frites Planète".
Avant d'arriver à Macon, sur quelques kilomètres, un circuit automobile non permanent s'invite à votre regard tout autant que d'immenses panneaux dédiés à la bière trappiste dans différentes langues : en Espagnol avec un
"Salud" appuyé mais aussi en Italien, Néerlandais... Ici, les frontières n'existent pas.
Macon est un paisible bourg où l'apparentée Grand'Place surplombe le village (Place Yvon Paul) d'où l'on aperçoit l'Ecole Communale, sur 2 étages (dont un rez-de-chaussée), une façade grisée de cette pierre discrète comme sait le murmurer le monde rural où le côté chaleureux ne s'exprime pas forcément au premier abord. Momignies démentira cet adage froissé avec un accueil particulier.
Rue Principale. Au premier étage, le célèbre EPN Momiclic, en Wallonie et bien au-delà, celui dont on m'a dit au Forum des Usages de Brest en juillet :
"Elle n'est pas là, l'animatrice de Momiclic ?". Celui dont l'on connait le
site Internet car son animatrice-responsable Valérie, a la caractéristique de partager ses découvertes et ses cours, tutoriels à l'ensemble de la communauté des internautes... Et aussi les réalisations des publics. Valérie, un entrain sans faille et dans notre réseau, une des personnes les plus actives quand un projet se met en route. Toujours partante et me souvenant invariablement de cet épisode en formation où elle a pris la parole pour déclamer son attache au réseau.
On entend parler de l'EPN Momiclic dans la Région et dans l'Europe francophone. On l'aperçoit en mode webcam lors de Place aux Enfants ou pour la Fête de l'Internet lors d'un jeu en réseau avec 5 autres Espaces Publics Numériques de Wallonie... Mais y vient-on ?
Oui, ce vendredi matin. Devant l'Ecole Communale, la plaque du label "EPN des Pouvoirs Locaux de Wallonie" et une entrée en fer forgé noire puis un porche, qui comme dans un tableau de Edward Hopper, s'ouvre sur un puits de lumière : la cour de récréation. Le préau, la cloche que nous entendrons résonner plusieurs fois dans la matinée. Au fond du préau, une ouverture sur vers l'escalier derrière un porte bleue, le bleu océan de Momiclic que l'on reconnaît d'un premier coup d'oeil. Le bleu qui fait rêver.
Un fidèle fléchage vous accompagne jusqu'à l'EPN au premier étage. Juste le temps de regarder les petits sacs à dos des enfants soigneusement alignés dans le couloir et un affichage des "bonnes manières", nous rejoignons Micheline (directrice du Centre Culturel) et Thérèse (directrice de l'école communale nouvellement à la retraite). M. L'Echevin Paul Lapôtre nous rejoindra un petit peu plus tard.
Connexe à la salle de morale, l'EPN Momiclic nous ouvre les bras. Sous une hauteur impressionnante de plafond, une table centrale de convivialité où sont placés quelques ordinateurs. Les autres machines sont réparties contre le mur. L'Espace propose ainsi plusieurs pôles pour travailler à son rythme et se consacrer à la tâche.
Ce n'est pas une surprise pour nous : Momiclic accueille beaucoup d'enfants tout au long de l'année mais aussi des enseignants qui viennent se former à l'informatique et à l'internet pour des projets avec des enfants. Valérie assure également des modules PMTIC tout au long de l'année.
Dans la discussion, l'expression est effleurée mais jamais prononcée : l'EPN Momiclic est à juste titre considéré comme un "centre de ressources" local. Prochainement (et c'est la très bonne nouvelle de la journée!), Séverine (Professeur de morale) va pouvoir travailler avec de jeunes enfants sur des netbooks et ainsi pouvoir se déplacer avec ce matériel informatique dans les communes de l'entité. On n'oublie pas Martine, une autre enseignante de la commune, qui travaille souvent avec Valérie sur des stages. Une équipe soudée et qui tient à son Espace Public Numérique né en 2004.
Aller au plus proche des habitants, c'est l'ambition que nourrit dans le futur Momiclic ; cela semble, il est vrai indispensable pour initier les publics éloignés de l'internet et en difficulté de mobilité. La question centrale demeure souvent récurrente : le financement du poste de l'animatrice-responsable sur le long terme.
Déjà, la sonne cloche. Au mur de Momiclic, des productions des publics, des créations artistiques : dessins numériques à la manière de Gauguin, Warhol, Mondrian... Oeuvres d'enfants qui colorent la pièce jaune... Et puis, deux tutoriels sous forme d'affiches (qui mériteraient d'être mis à disposition du réseau) : "Les différentes parties de la souris" et "La position de ta main sur la souris". Sur un panneau, de multiples images retouchées très rigolotes. On prend la conscience du travail fourni et accompli, de la modestie aussi des personnes qui s'y consacrent. On ne dit pas : on fait!
Nous regagnons alors le rez-de-chaussée où les enfants s'apprêtent à dîner (expression qui signifie souvent
"déjeuner" en Belgique). Les enfants de maternelle au coin de la rue s'apprêtent à les y rejoindre, bien ordonnés sur le trottoir. Nous quittons Macon pour nous restaurer (escavèche de Chimay et moules-frites au menu). Cet après-midi, visite et conseils pour le nouvel EPN de Sivry-Rance qui n'est pas si éloigné de Macon. Un autre lieu, d'autres belles histoires...
Sur un panneau, Valérie m'indique un kilomètrage vers Paris : 235 kilomètres si la mémoire ne me fait pas faux-bond. A deux pas, la frontière française avec la Picardie et la Région Nord-Pas-de-Calais.
"Momignies, tu sais, c'est au bout du monde". Non, pas du tout.
Et toi, Jean-Luc, tu as l'air si bête de ne pas savoir comment remercier Valérie et ces personnes pour ce qu'elles font au quotidien. Là, dans un petit coin de la Belgique, l'informatique et l'internet ont le vrai sens de la citoyenneté, du partage et de la collaboration, un sens d'autant plus vital qu'on se situe loin de la ville et que tout ce qui fait lien importe.
Tu te souviens alors de l'inscription sur le tapis de souris :
"Il était une fois Internet"... Et si c'était cela, la vraie raison d'être de Momiclic : raconter de belles histoires et faire aussi qu'elles deviennent réalité.
Crédit photos : EPN Momiclic (Jean-Luc Raymond) - Valérie Dudart aux REWICS 2008 (Franck Tiennebrunne).