"Comment Google a transformé nos cerveaux", c'est la couverture et le dossier phare de l'édition de septembre 2009 du magazine
Chronic'Art qui s'intéresse au géant de Moutain View en Californie ; une lecture très intéressante.
Depuis 1996, l'empire Google sous la houlette de ses créateurs Larry Page et Sergey Brin tisse sa toile de façon impressionnante. Non seulement, Google a bouleversé le marché de la recherche sur le Web mais depuis quelques années, ses activités se sont fortement diversifiées.
L'empire Google omniprésent et omniscient
Google impressionne. Google fait peur. Google est critiqué tout autant que l'ogre Microsoft il y a quelques années. Google est-il la nouvelle bête noire de notre monde technologique ? Google est avant tout le leader incontesté de la recherche sur Internet. Ses parts de marché sont écrasantes (à l'exception de l'Asie).
En Amérique du Nord, "Google" est un verbe et en Europe francophone, "utiliser Google" se substitue à se servir d'un moteur de recherche pour les jeunes générations... A se demander si le terme "moteur de recherche" a encore un sens pour les moins de 18 ans ? Google est devenu la voie quasi-unique et automatisée de recherche sur le Web pour le grand public malgré la perfectibilité de l'outil, de son indexation et des classements effectués.
Google via son système publicitaire et le PageRank des sites a quasiment droit de vie et de mort sur l'audience de bien des sites Internet. Google s'est aussi imposé de par sa praticité et un sens de l'ergonomie : outils dépouillés gratuits, fond blanc virginal comme image de marque et côté "cool" d'outils souvent non finalisés avec implémentation de fonctions supplémentaires au fur et à mesure des mois.
La vague Google
L'empire Google comprend aussi le webmail Gmail, la suite bureautique en ligne collaborative Google Docs, Google Agenda, un agrégateur de flux baptisé Google Reader, la solution de blogs gratuite Blogger, une série d'outils statistiques (FeedBurner, Google Analytics...), une offre cartographique (GoogleMaps, GoogleEarth...), le projet de numérisation de livres Google Books et Print, la plateforme d'hébergement et de diffusion de vidéos YouTube, la plateforme d'actualités Google News et plus récemment l'encyclopédie collaborative Knol, le navigateur Internet Google Chrome et un outil hybride relationnel liant messagerie électronique - e-mail - statut intitulé Google Wave en bêta, etc. etc. La liste semble sans fin.
Les premières failles dans le système Google
Google invente, innove, teste... Et Google tend à phagocyter le Web. Seule ombre au tableau coloré de la réussite économique de la méga-entreprise américaine, la non-existence en son sein d'un réseau social leader mondialement et la non prise en compte effective du Web en temps réel dans des résultats de recherche.
Facebook, Twitter et leurs écosystèmes sont aujourd'hui un problème pour Google, une concurrence et une menace de grignotage de parts de marché significatives dans le secteur de la recherche sur Internet. Mais...
Peut-on critiquer Google ?
Peut-on faire aujourd'hui sans Google ? Doit-on adopter une attitude critique vis-à-vis de Google ? Bien évidemment que oui et il appartient notamment aux animateurs multimédia en Espaces Publics Numériques de faire prendre conscience aux publics des alternatives existantes en matière de recherche autres que Google tout comme des solutions d'outils en ligne équivalentes à l'offre pléthorique du géant Californien.
Peut-on critiquer Google ?
Chronic'Art décortique le phénomène Google avec un dossier de 9 pages :
"Google de Bois" qui a le mérite de faire réfléchir et de s'interroger sur la machine Google dans son ensemble. Voici quelques extraits de ce dossier.
Google nous rend-t-il stupide ?
Au départ de cette série d'articles, le rappel de l'article de Nicholas Carr, essayiste américain publié en juin 2008 pour la revue Atlantic : "
Is Google making us stupid ?"
("Google nous rend-t-il stupide ?") qui critique vivement le géant Californien et qui s'interroge notamment sur notre utilisation du Web d'aujourd'hui :
"Il semble que le Net érode ma capacité de concentration et de réflexion. Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement. Auparavant, j'étais un plongeur dans une mer de mots. Désormais, je fends la surface comme un pilote de jet-ski (...)
Nous sommes devenus l'équivalent humain du traitement de texte : nous déplaçons d'énormes quantités de texte et de souvenirs très rapidement, mais nous sommes incapables de nous intéresser à leur sens, à leur profondeur, de nous adonner à la lecture attentive des écrits, comme il est impératif de le faire avec les livres. L'écriture et la lecture sont supplantés par le zapping et le copié-collé."
Autre vision de Google, celle de
Mark Prensky, consultant dans le domaine de l'Education, souvent considéré (à tort) comme créateur de l'expression "Digital Natives" (les natifs du numérique) qui livre une vision optimiste voire naïve du Web d'aujourd'hui :
"Parce que tout, une fois numérisé, peut être déniché, la vie privée, telle que nous l'avons connue à l'ère pré-numérique, va disparaître à l'avenir. Nous devons tous apprendre à vivre avec ça et ça n'a rien à voir avec Google, blâmé parce qu'il est puissant et toujours sur le devant de la scène".
"(Les créateurs de Google) travaillent pour (et non pas contre) l'humanité en améliorant la disponibilité, la circulation et l'analyse de l'information, même s'il s'agit de faire de l'argent, en priorité, via ce processus - so what ?".
Les 6 tables de la Loi Google
Après une mise en perspective agrémentée de citations, Chronic'Art décline sur un mode ironique (mais qui ne manque pas de sens) les 6 tables de la loi Google :
- Une recherche doit aller vite : Elle ne tient que par son résultat
- L'information doit être accessible partout, tout le temps
- Tout mérite d'être vu et connu
- Des mots valent plus que d'autres
- Le robot est le meilleur ami de l'homme
- Je suis ce que je cherche
Google comme robot-lecteur
Cyril De Graeve donne ensuite la parole à
Alain Giffard, haut fonctionnaire français, spécialiste des technologies de l'écrit, expert des EPN et coauteur de l'essai "Pour en finir avec la mécroissance" avec le philosophe Bernard Stiegler et Christian Fauré (Flammarion, 2009). Extrait :
"Pendant longtemps, Google a été le nom propre d'une belle entreprise - ce qu'elle est d'ailleurs. L'article de Nicholas Carr, en juin 2008, a été le signal d'un changement de bord assez général. Les reproches adressés à Google sont innombrables : il détruit la notion même de connaissances personnelles ; il porte atteinte à la mémoire, abîme la lecture, favorise le copier-coller et le plagiat ; mais aussi il commercialise le bien commun, profite des logiciels libres mais préfère l'open source, bafoue les libertés et le droit à la vie privée, concentre l'information à un degré jamais atteint. Cela fait beaucoup (...)
Google (...) est à la fois une industrie de l'information, du marketing et une industrie culturelle. C'est en tant qu'activités culturelles que ses activités font l'objet d'une critique qui atteste de la compréhension de la nature profondément culturelle des technologies de l'info. Google fait partie des groupes qui rivalisent pour le contrôle de l'attention."
Des résultats de recherche pas toujours des plus pertinents
Le journaliste Matthieu Clervoy se penche ensuite sur le moteur de recherche de Google et sa pertinence relative dans le traitement des résultats de requête en explicitant des intérêts économiques
("Adwords"), la popularité du sujet
("PageRank") et l'indexation via les particularités orthographiques. L'auteur de l'article montre des incohérences notables de résultats.
Google de bois ?
Dernier article du dossier
"Google de Bois" : un papier de Pierre Jouan "Google Go Home" présenté de cette manière :
"Google n'est pas qu'un innocent moteur de recherche. C'est aussi, pour une partie de l'intelligentsia française, un symbole des périls qui guettent. Donc un couple idéal".