Le rapport final de l'étude confiée par le SPP Intégration sociale à la Fondation Travail-Université et au Centre de recherche K-point de la Katholieke Hoogeschool Kempen, dans le cadre du plan national de lutte contre la fracture numérique est maintenant disponible. L'étude a consisté à
évaluer la première phase du plan (2005-2010) et à préparer des orientations et des propositions pour une seconde phase du plan (2011-2015). C'est un document important car il évalue les actions menées pendant 5 ans et permet de voir quelles vont êtres les grandes lignes directrices de la politique belge en matière d'E-inclusion pour les 5 prochaines années.
Il est à noter que dans leur travail d'évaluation des réalisations et de préparation de propositions, les équipes de recherche ont mis en oeuvre une méthode de participation active d'acteurs de terrain à travers des workshops.
Dans la première partie de ce document, on peut lire l'évaluation de la première phase du plan national de lutte contre la fracture numérique (2005-2010) et, par là-même, avoir des chiffres récents et officiels sur la fracture numérique en Belgique.
Les objectifs généraux du plan 2005-2010 étaient les suivants : réduire d'un tiers la fracture
numérique dans les cinq années à venir et mettre au point un baromètre de la fracture numérique ainsi que de participer à l'effort européen en faveur de l'inclusion numérique.
Alors, la fracture numérique s'est-elle réduite en Belgique ?
En Belgique, la diffusion d'internet s'est poursuivie à un rythme soutenu au cours des cinq
dernières années, de 2005 à 2009 (+29.3% sur la période, soit +6.6% par an en moyenne). En 2009, la proportion d'utilisateurs d'internet dans la population belge de 15 à 75 ans s'élève à 75%, contre 58% en 2005. L'augmentation de la proportion d'utilisateurs d'internet est visible dans toutes les catégories sociodémographiques habituellement utilisées pour mesurer les inégalités numériques. On peut affirmer que l'objectif général du plan de "réduire d'un tiers la proportion de citoyens qui ne sont pas capables aujourd'hui d'utiliser les TIC" a été atteint.
En effet, la proportion de non-utilisateurs dans l'ensemble de la population a été réduite de plus d'un tiers : de 42% à 25% de la population, ce qui constitue une baisse relative de 40%. Le nombre de ménages ne disposant pas de connexion à internet a été réduit d'un tiers (de 50% à 33%).
Toutefois, la fracture numérique ne se mesure pas au nombre total de personnes connectées ou non, mais aux écarts entre différentes catégories pour une même variable sociodémographique. En ces termes, on peut également affirmer que les inégalités au sein de la population se sont réduites, puisque les écarts entre les catégories défavorisées et la moyenne des utilisateurs ont diminué entre 2005 et 2009 pour toutes les variables sociodémographiques (niveau d'instruction,âge, genre, localisation géographique) sauf pour le revenu où l'écart entre les plus faibles et les plus gros revenus augmente.
Le deuxième objectif du plan 2005-2010 qui consistait à mettre au point un baromètre de la fracture numérique en Belgique a été réalisé dans l'ensemble puisque le plan a bénéficié de la mise en oeuvre, sous l'égide d'Eurostat à partir de 2004, d'un dispositif européen d'enquêtes sur l'accès aux TIC et leurs utilisations par les ménages, par les individus et par les entreprises. Le SPF Économie et statistique (Statbel) s'est chargé de la réalisation et de l'analyse de ces enquêtes en Belgique. Le baromètre permet donc non seulement d'obtenir un portrait statistique pour la Belgique, mais aussi de faire des comparaisons avec les autres pays européens. De plus, les autres niveaux de pouvoir ont aussi lancé ou poursuivi des travaux réguliers de mesure de l'accès aux TIC et de leurs utilisations, notamment le Studiedienst Vlaamse Regering (SVR) et l'Agence wallonne des télécommunications (AWT).
Le troisième objectif du plan consistait à participer à l'effort européen en faveur de l'inclusion numérique. On peut affirmer dans l'ensemble que cet objectif est atteint puisque le plan belge,conçu à l'origine dans l'esprit du Sommet mondial de la société de l'information en 2004, s'estintégré sans difficulté dans les objectifs européens définis à Riga en 2006, reformulés en 2007,puis en 2010. Les politiques européennes et belges en matière d'inclusion numérique montrent en effet de nombreux points de convergence.
Toujours dans l'évaluation, des actions de sensibilisation ont été menées.Dans l'ensemble, plusieurs campagnes et activités de sensibilisation ont été réalisées à la fois par les autorités et par de nombreux acteurs de terrain, dont notamment la "Semaine numérique"qui couvre les trois régions du pays. Les actions ont permis d'atteindre un public important mais elles doivent se renouveler, dans la mesure où le public atteint par les médias classiques ou numériques a déjà été touché. Pour toucher d'autres
publics plus difficiles à atteindre, la sensibilisation doit désormais s'accompagner d'un
accompagnement à plus long terme.
Dans les grands orientations Plan national 2005-2010, une large part avait été consacrée au du volet "formation". Le plan affichait trois objectifs : assurer une formation aux TIC à tous les jeunes, offrir des instruments d'auto-apprentissage pour les citoyens désireux de se former aux TIC et favoriser les structures de formation aux TIC pour les publics défavorisés. Toutefois, l'auto-formation ne semble pas être une méthode pertinente, notamment pour des publics socialement fragilisés ou culturellement défavorisés, car ceux-ci ont besoin d'un médiateur humain pour les accompagner dans leur apprentissage.
Développer les structures de formation aux TIC pour les publics défavorisés est un objectif qui a fait l'objet d'une grande attention, tant de la part des pouvoirs publics, essentiellement pour les demandeurs d'emploi, que de la part des acteurs de terrain, pour les publics faiblement scolarisés et les séniors en particulier. Si la pertinence de ces types de formation ne fait aucun doute, on peut toutefois déplorer que les initiatives des acteurs de terrain aient été le plus souvent développées dans une certaine précarité financière, ce qui a eu des impacts négatifs sur ces formations en termes d'efficacité.
Un volet important dans la lutte du fédéral contre la lutte contre la fracture numérique a été la mise en place de l'initiative "accès pour tous".
Le premier objectif qui consistait à garantir à chaque citoyen un accès public à internet proche de son domicile par le biais de la création d'EPN/OCR a été un axe majeur des politiques publiques en matière de réduction de la fracture numérique. De nombreux acteurs associatifs ont également été très actifs dans ce domaine. La pertinence de ces mesures a évolué. Aujourd'hui, l'objectif est moins de fournir un accès à ceux qui n'en ont pas, que de proposer un environnement non seulement technique, mais aussi et surtout pédagogique et humain de qualité. Le modèle des EPN/OCR peut s'avérer efficace, moyennant la réunion d'une série de conditions concernant la professionnalisation du métier d'animateur, l'intégration dans le tissu social local et la stabilisation des modalités de financement.
Le second objectif qui visait à encourager la connexion des ménages et fournir des services attractifs a été un axe important des politiques d'inclusion numérique au niveau fédéral. Cependant, la pertinence des mesures de type "internet pour tous" décline au fur et à mesure que la diffusion d'internet s'accroît. Leur efficacité est limitée étant donné qu'elles se basent sur des incitants fiscaux, qui bénéficient plus aux classes moyennes qu'aux publics réellement défavorisés. Ces derniers sont d'ailleurs arrêtés davantage par d'autres obstacles, comme le coût des connexions et des charges de maintenance, ainsi que le manque d'accompagnement dans l'utilisation.
Le plan s'était également fixé trois objectifs "transversaux" à travers huit actions concrètes :
L'objectif de favoriser la diversité des types de logiciels a essentiellement consisté en actions de promotion des logiciels open source, tantôt au niveau des pouvoirs publics, tantôt dans le monde associatif, notamment au bénéfice des EPN/OCR. L'objectif de garantir l'accès de tous aux canaux traditionnels de service public est, quant à lui,
un principe politique qui n'était pas formulé de manière opérationnelle, ce qui rend son
évaluation impossible. Enfin, dans le domaine de l'e-accessibilité, les objectifs fixés ne sont que très partiellement atteints. Les sites des pouvoirs publics présentent toujours des déficits importants en termes de conformité aux recommandations de la Commission européenne.
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