"Le web 2.0 n'est pas une révolution technique. C'est avant tout une transformation progressive des usages du web, qui reposaient depuis près de quinze ans sur un modèle de diffusion, structuré par les fournisseurs de services et de contenus."
"Aucune innovation technologique majeure n'a provoqué ni soutenu cette expansion; la plupart des logiciels du web 2.0 sont des versions améliorées de logiciels existants, déjà expérimentés à plus petite échelle."
"Le foisonnement des activités réalisables en ligne et la quantité d'informations mises en réseau par les utilisateurs soulèvent des problèmes de régulation, qui ne sont pas nouveaux en soi mais qui prennent aujourd'hui une dimension inattendue. C'est le cas de la protection des données personnelles et de la vie privée. Les dispositifs juridiques (lois, commissions consultatives) qui ont été mis en place à grand peine dans les années 1990 se trouvent démunis face à l'étalage et à la dissémination d'informations personnelles, livrées par les gens eux-mêmes, sans beaucoup de souci de leur confidentialité. Dans la mesure où l'évolution des pratiques sociales et l'évolution technologique sont toutes deux beaucoup plus rapides que l'évolution des cadres juridiques, le web 2.0 se développe dans
un flou réglementaire presque total."
"N'importe quelle information - aussi futile qu'elle soit - devient un véritable instrument de reconnaissance et de socialisation, au premier rang desquelles se situe l'ampleur du réseau relationnel. On existe, en effet, d'autant plus sur le web que l'on affiche un nombre impressionnant d'"amis" en ligne."
"Du simple grossissement d'un trait de la personnalité au travestissement pur
et simple, l'endossement d'un rôle sur le web est bien entendu limité. De nombreux internautes se bornent à utiliser cet espace comme tout autre espace public classique. Il n'en reste pas moins que la plasticité de l'univers du web 2.0 donne à cette capacité à « faire comme si » la possibilité de s'étendre et de se diversifier. L'identité numérique est une sorte de coproduction où se rencontrent les possibilités innovantes des interfaces et les calculs que font les utilisateurs pour produire la meilleure image d'eux mêmes.
Ceux-ci ont ainsi l'opportunité d'user de multiples stratégies pour créer de la distance entre leur personnalité réelle et leur identité numérique.
C'est sans aucun doute cette capacité à ajuster cette distance au réel qui caractérise le mieux les stratégies de mise en scène numérique."
"Les nouveaux espaces collaboratifs ne sont pas figés. Ils se parcourent, s'aménagent et s'organisent en permanence. Leur disposition, leur organisation et leur alimentation sont en constante négociation. Dans l'univers professionnel ou dans le monde associatif, ces espaces soulèvent des enjeux à la fois communicationnels, sociaux et technologiques.
L'enjeu communicationnel est la cohabitation de communications ascendantes (user generated contents), à coté de contenus produits par la hiérarchie. Jusqu'où peut-on encourager ou accepter, dans une organisation, la production de ces contenus ascendants ? Jusqu'où les contrôler ou les surveiller ?
Au niveau social se pose la question du degré de participation des différents acteurs aux systèmes d'échange et aux réseaux mis en place autour de ces outils collaboratifs. Qu'est-ce qui va stimuler la production de contenus dans des blogs ou des wikis à la place de leur simple consultation ? Qui sera actif, qui sera passif ?"
"Le business model de la gratuité peut buter sur divers obstacles, notamment les comportements imprévus des utilisateurs ou la vulnérabilité face à la conjoncture socioéconomique.
Dans la plupart des innovations, les comportements des utilisateurs s'écartent souvent des prescriptions des concepteurs. Comme l'a montré l'article sur "la mise en scène numérique de soi", les utilisateurs ne rentrent pas tous dans le jeu en livrant une information exacte, précise et gratuite. Au dévoilement de soi, ils peuvent préférer le travestissement, l'allégorie, la retouche, la mise en conformité. À l'échange gratuit, ils peuvent préférer le troc. Car le web 2.0 n'est pas seulement une pratique économique, c'est aussi une pratique sociale, dont les subtilités échappent souvent aux modèles économiques."
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