C'était l'intitulé de la conférence d'Hervé Crosnier organisée par Point Culture le 21 février dernier. On a beaucoup parlé des dérives d'un Internet en proie à l'hyperpuissance d'algorithmes qui cherche à nous imposer un mode de consommer et de penser sur base des traces numériques que l'on laisse un peu partout sur Internet. Il y a toute l'intrusion d'Internet dans les données et la vie privée de personnes scannées et géolocalisées en permanence, matraquées par les fameuses «nouvelles alternatives » (conferatur les Fake news popularisées par George Orwell et Donald Trump). Mais Internet est également un éco-système permettant de démultiplier les collaborations, de créer ensemble, de construire ce qu'Hervé Crosnier appelle des communs.
Décrypter et co-produire
Les exemples positifs ne manquent pas, depuis les nouvelles pratiques culturelles de groupes (booktubing, écriture ouverte, fansubbing, machinima, modding) jusqu'à la construction d'outils techniques permettant l'indépendance des usagers face aux grandes plates-formes de surveillance généralisées : logiciels libres, médias ouverts, sites de pétition en ligne, agendas partagés. Hervé Crosnier donne un cadre à cette ambition. Il s'agit de décrypter, de (co)produire, de publier et de diffuser, d'être attentif à privilégier et travailler à ce qui nous rassemble plutôt qu'à ce qui nous divise. Sortir des réseaux de la haine, des émotions collectives et des discours sans fondement pour favoriser le partage des savoirs et du vivre ensemble. Etre sujet plutôt qu'objet sur le réseau, cela passe notamment, comme le souligne l'enseignant chercheur de l'Université de Caen Basse Normandie, par savoir ce qui se passe derrière le capot.
Décoder le code
Est-ce qu'on peut, s'interroge-t-il, être un citoyen éclairé du Xx1ème siècle sans jamais avoir compris ce qu'était un code informatique, un programme conçu par des humains avec des paramètres, des effets concrets ? «Comme on est de plus en plus piloté par des algorithmes, sur Facebook, Google et le reste, comprendre qu'il y a une décision derrière est un élément important. » Mais cela n'est pas tout. Il faut dépasser le seul niveau technique pour développer une réflexion sur l'éthique, la responsabilité et la culture du numérique et travailler à (re)constuire un réseau d'échanges horizontaux, équitable et équilibré, géré par ses usagers, permettant le partage des savoirs.
Des logiciels libres aux fabriques de communs
On pourra pour se faire s'appuyer, pointe Hervé Crosnier, sur de nouveaux mouvements sociaux spécifiques du numérique, qui développent en commun des approches de l'internet et de ses usages pour le partage équitable des savoirs comme la Quadrature du Net, les Anonymous ou les altermondialistes numériques. Il s'agit dans la foulée, comme l'explique l'enseignant sur son blog Mediapart de «Travailler à l’empowerment politique des acteurs des communs de la connaissance, en leur donnant les moyens de diffuser leurs discours et revendications de partage égalitaire et de création collective en direction des autres mouvements sociaux». C'est pour lui une une tâche essentielle pour reconstruire une société civile globale. « Il s’agit de tisser une nouvelle alliance entre expériences historiques et capacités de mobilisation et d'interprétation du monde, issues des pratiques de l'ère numérique. La question des logiciels libres a été le premier support d’une telle réflexions qu'il faut aujourd'hui prolonger par des « fabriques à commun ». La prochaine conférence du cycle de Point Culture accueillera le 21 mars prochain Jean Lassègue autour de «L'informatique comme dernière étape dans l'histoire de l'écriture en occident »
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